A
la mémoire de René Delrue, déporté.
Une tombe avec son nom dans le carré d'honneur du cimetière de Blandain.
Ci dessous texte de Robert Blervacq, repris dans son livre "Blandain de 1919 à 1945".
René DELRUE, né à Blandain le 23 janvier 1921. Domicilié au n° 41, Place.
A ce jour, aucun document officiel ne permet de considérer que
René Delrue a pu mener une quelconque « Résistance
» à l’occupant.
Il ne peut être confirmé qu’il n’en
faisait pas isolément sous une autre forme mais il s’est
cependant opposé à l’occupant par son refus
d’aller travailler en Allemagne.
Appelé au service militaire le 29 février 1940 au
3 ème Chasseurs à pied à Tournai, il
est intégré dans le régiment du 12 ème
Chasseurs avant l’invasion allemande du 10 mai 1940.
N’ayant que deux mois d’instruction militaire, le
12ème Chassseur à pied participe peu à la
campagne des 18 jours et il finit par être
transféré par train en direction de Dunkerque/St Omer.
Apparemment vers le 19 mai, René Delrue aurait fait partie du
premier convoi ferroviaire qui aurait réussi à atteindre
le Sud de la France avant que les blindés de Guderian
n’arrivent sur les côtes de la Manche.
Ce qui expliquerait pourquoi il fut fait prisonnier par les Allemands
à Chatenois dans le Nord-Est de la France en voulant
éventuellement revenir vers la Belgique après que la
France eut signé l’armistice.
Il reçut dès lors de l’occupant un certificat
pour revenir librement à son domicile. (Se référer
à la liste des prisonniers blandinois revenus à Blandain
entre le 03 juillet et le 10 août 1940)
L’archive communale orthographie et précise le mot «
Chatenois » avec un « a » sans accent
circonflexe. Cette commune se trouve dans le Bas-Rhin à quelque
23 km au Nord de Colmar. S’il y a une erreur d’accent
circonflexe, Châtenois se trouve alors dans les
Vosges à quelque 43 km au sud de Toul.
Revenu chez lui, il reprend ses activités à la
boulangerie de ses parents. Célibataire, il refuse d’aller
travailler en Allemagne et devient alors réfractaire. Depuis
août 1943, il est recherché
par la Feldgendarmerie de Tournai suivant les
ordres de la Nebenstelle (filiale de la
Werbestelle de Mons).
Figurant sur une liste établie par cet organisme en date du 05
novembre 1943, celle-ci fut communiquée à la
Résistance par une employée tournaisienne nommée
Mlle Germaine Dumoulin.
A noter que Germaine Dumoulin, (domiciliée au 116 chemin de
l’Escalette à Tournai),
est effectivement une « Résistante »
tout en exerçant en
activité professionnelle au sein de l’organisme allemand.
Il entreprit alors de se cacher surtout la nuit. Il loge, couramment,
chez César Deblaere, Place 32, face à la boulangerie de
ses parents où, pendant la journée, il exerce son
activité professionnelle.
De son lieu de travail, il a la possibilité de pouvoir
sortir par une petite fenêtre qui donne dans le jardin de la cure
en cas de visite de la police allemande.
Il est cependant arrêté en fin de soirée
(début de nuit) le vendredi 30 juin 1944 le long de la voie
ferrée à hauteur du monastère
« Les Bénédictines », et est
emmené à la tannerie Lefebvre où il passera la
nuit. Le samedi matin 01 juillet, il est transféré au
Haftlager de Tournai au Bld Léopold et il est inscrit sous le
N° 5879 dans le registre des entrées.
Apparemment, son transfert à Tournai aurait eu lieu en
même temps que Pierre DEROY, arrêté ce samedi matin
à son domicile et inscrit sous le N°5880.
Pour information, 19 personnes sont arrêtées en date du 01
juillet 1944 dans le Tournaisis et incarcérées au
Haftlager de Tournai et 671 personnes y seront encore
incarcérées avant le 18 août, soit une moyenne de
quelque 13 à 14 personnes par jour.
Officiellement en tant que réfractaire recherché par la
Feldgendarmerie et aussi par le fait de se trouver, en début de
nuit, le long de la
voie ferrée quelque trois semaines après le
débarquement de Normandie, avec ou sans violence de sa part, il
devait, tout au moins, être
arrêté et interrogé.
Au Haftlager, il aurait été interrogé brutalement,
voire torturé; comme l’était un terroriste
(Résistant). Si cette information est exacte, elle confirmerait
qu’il était considéré comme un suspect
« terroriste » par la GFP.
Il est transféré à la prison militaire allemande
de Mons le 13 juillet (probablement par le même convoi que les
Dewulf et Masquilier, arrêtés lors de la rafle du 06 juin)
où il occupe le cellule 117 puis la 165.
C’est l’OberFeldKommandandur 520 de Mons qui le condamne en date du 02 août 1944.
Condamnation à 6 mois de prison pour détention illicite d’armes
Condamnation à mort pour infraction au § 21 de l’ordonnance du 21.03 1943
Aux environs du 26 août et suivant la Croix-Rouge, il aurait
été évacué sur Bourg-Léopold,
ensuite sur les Pays-Bas ou l’Allemagne le 28 ou le 30 août
1944.
Il sera transféré ensuite
au camp de concentration de Mauthausen, en
Autriche, le 16 septembre 1944 où il portera le
numéro matricule 99.666.
Le camp de concentration de Mauthausen est situé en Autriche
(prov. Haute Autriche) dans la vallée du Danube et dans un site
boisé à 22 km à l’est de Linz. La
température moyenne en hiver peut atteindre entre -10 et
-15°c. La ville de Mauthausen ainsi que la gare se trouvent
à 5 km du camp.
Son origine remonte au 08 avril 1938 par l’arrivée de
quelques centaines de prisonniers du camp de Dachau (1 er camp
organisé et ouvert en 1933 au nord de Munich) et il est mis en
fonction le 08 août 1938.
Le but initial est de fournir une main-d’œuvre à la
carrière de pierre « Wiener Grabben
».
Du fond de la carrière de granit, les prisonniers devaient
escalader un escalier de 186
marches (appelé escalier de la mort)
pour remonter les pierres. Au 31 décembre
1939, il y a près de 3.000 prisonniers.
En 1941, l’administration SS classe Mauthausen dans la «
catégorie III » soit la catégorie du régime
le plus sévère pour ceux qui sont condamnés par
les nazis comme criminels ou
comme non rééducables.
En définitive, à Mauthausen,
régime sévère signifiait « retour non désiré
» (Ruckkehr unerwünscht) et
l’extermination par le travail (Vernichtung durch arbeit).
Aux déportés qui entraient dans ce camp de concentration,
il était dit « Ici, on entre par la porte
d’entrée et l’on sort par la cheminée.»
Mauthausen deviendra le camp central pour l’ensemble du
territoire autrichien et il administrera 49 Kommodos permanents et
temporaires, parmi lesquels et enparticulier le camp
de GUSEN et son kommando Bergkristall.
Le commandant du camp, le Standartenführer (colonel) SS Franz
Ziereis le fit agrandir jusqu'à une superficie de 80 hectares.
A partir de janvier 1942 au camp central et de janvier 1944 à
Gusen, les déportés étaient
dépouillés de leur identité, ils n’avaient
donc plus de nom mais simplement un numéro matricule.
Environ 200.000 personnes dont 4.000 femmes et 15.000 de moins de 20
ans ont été incarcérées. Plus de 105.000
détenus ont été assassinés ou ont
succombé aux souffrances endurées.
Les exécutions étaient réalisées par la
chambre à gaz de mars 1942 à avril 1945, par mauvais
traitements et par expériences médicales. Il y avait un
four crématoire avec une cheminée de 25 mètres de
hauteur.
Le 05 mai 1945, une avant-garde de l’armée
américaine arriva à l’entrée du camp et il
ne restait que les prisonniers, les SS avaient fui déjà
à partir du 03 mai.
Le camp fut libéré par la 11
ème division blindée de la 3
ème armée américaine le 07 mai 1945 et
celle-ci découvrit plus de 15.000 cadavres qui jonchaient le
camp.
Les troupes américaines ne purent libérer que 81.000 détenus en Haute Autriche du 04 au 07 mai 1945
René Delrue aurait été ensuite
transféré au camp de GUSEN II à quatre
kilomètres deMauthausen, le 20 septembre et
intégré dans le Kommando BERGKRISTALL .
(source : Mission belge à Paris - liste -relevés sur
copies dactylographiées allemandes - documents origine camp de
Mauthausen en possession du Ministère des Anciens Combattants
à Paris.)
Le camp de Gusen II et son kommando Bergkristall.
Faisant partie du complexe du camp de concentration de Mauthausen,
Gusen II a été créé le 09 mars 1944 et les
déportés venaient des pays de l’Europe de
l’Ouest (Belgique, France, Italie, Pays-Bas, GD de Luxembourg)
Le but de ce Kommando était le creusement de tunnels dans les collines de St Georges/Gusen.
Il était prévu de percer dix
kilomètres de tunnels sur une superficie de cinq
cents ares, ce qui devait être une des plus grandes installations
souterraines de l’Allemagne nazie.
Les travailleurs du Kommando Bergkristall décédaient les
uns après les autres à cause du travail exténuant
qui s’effectuait dans les galeries jour et nuit et des conditions
de détention.
A cause de son taux élevé de mortalité, Gusen II
est devenu un des plus terribles camps de concentration. La
durée de vie y était de quatre mois en moyenne.
Les déportés étaient transportés du camp de
Gusen II au kommando Bergkristall sur des wagons plats roulant sur une
voie ferrée longue de 4km qui avait été construite
par les prisonniers de Gusen I.
Au fur et à mesure qu’un tunnel était
creusé, il était équipé de machines et il
devenait opérationnel. C’est ainsi qu’à
partir de l’été 1944, la production de fuselages
d’avions à réaction
(Messerschmitt) a
commencé, atteignant son maximum en avril 1945.
A ce moment, 6 à 7 km de tunnels avaient été creusés et aménagés.
Le nombre de déportés à Gusen II atteint le chiffre de 12.537.
Pour Gusen I et Gusen II il y eut plus de 60.000 détenus dont approximativement 36.000 morts.
Quels sont les travaux qu’aurait exécutés
René Delrue.? Percement de tunnels ou montage de fuselages
d’avions à réaction ?
Hypothèse de l’auteur .
Il y a peu d’informations précises recueillies par la
Croix-Rouge de Belgique sur le transfert de René Delrue vers
l’Est du pays (le 28 ou le 30 août ? à
Bourg-Léopold ?). Mais, considérant qu’il
était incarcéré à la prison de Mons avec
Edmond Dewulf et Louis Masquilier,
il est possible qu’il aurait été
transféré avec eux par le même convoi ferroviaire
du 31 août au départ de Bruxelles soit vers Neuengamme
donc vers le Nord de l’Allemagne.
Compte tenu de l’avance rapide des alliés, il
apparaît logique que la police allemande ait utilisé au
plus vite des moyens organisés et encore disponibles pour
transporter les condamnés à la déportation afin
qu’ils soient utilisés et rentables dans les camps de
concentration en Allemagne.
A noter que les Britanniques seront à Bruxelles le 03 septembre et à Anvers le 04.
Or, il faut remarquer une période de deux semaines entre son
départ de Belgique (fin août, sans date précise) et
son arrivée à Mauthausen (le 16 septembre),
période dont on ignore où il se trouve. S’il a
été transféré par le dernier convoi du 31
août,
on peut admettre l’hypothèse que ce même train
l’aurait emmené, plus à l’est de Neuengamme
soit au camp de concentration d’Orianenburg ou à celui de
Sachsenhausen au nord de Berlin. Ce même convoi pouvant desservir
plusieurs camps établis dans cette région Nord de
l’Allemagne.
Or ces camps travaillaient pour la société Heinkel qui
utilisait également le camp de Mauthausen et ce dernier
était utilisé par la société Messerschmitt.
René Delrue aurait-il
reçu une très
courte formation forcée
ou des notions techniques sur le montage
aéronautique entre début septembre et son arrivée
à Mauthausen dans les camps au nord de Berlin? C’est une
question.
Cette hypothèse peut laisser supposer alors qu’il aurait
travaillé dans le montage de fuselage d’avions à
Bergkristall (dépendant de Gusen) dès son arrivée
le 20septembre 1944.
René Delrue y serait décédé d’une
bronco-pneumonie le 27 novembre 1944, à moins de 24 ans.
(suivant registre du camp -Livre V- que possédait la Croix-Rouge Internationale de Linz, fin 1945)
La Commune de Blandain donna son nom à l’une de ses rues
afin d’immortaliser son « martyr » dans l’un
des «camps de concentration» les plus cruels
(catégorie III)
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Je cherche des photos et des documents sur cet homme , merci.
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